Nouvelle loi genevoise sur la médiation
La médiation est un processus amiable de résolution des conflits dans lequel une personne neutre facilite la communication entre les parties et les aide à trouver par elles mêmes une solution adéquate au conflit.
La médiation est une démarche volontaire et les parties sont ainsi libres de l’interrompre à tout moment. Si la solution peut lier les parties une fois qu’elles l’ont acceptée, le processus ne permet pas d’imposer une solution à aucune partie.
Une description plus complète peut être trouvée dans l’onglet « FAQ Médiation » du site Internet de l’Ordre (lien).
L’art. 120 de la Constitution genevoise de 2012 dispose que « L’Etat encourage la médiation et les autres modes de résolution extrajudiciaire des litiges ». A la suite d’une motion adoptée par le Grand Conseil (M 2449 adoptée en janvier 2019), divers travaux ont eu lieu et le Conseil d’Etat a préparé un avant-projet de loi. L’Ordre des avocats a été associé à ces travaux début 2020.
Pour travailler plus concrètement, un groupe de travail interdisciplinaire a été mis sur pied, en collaboration avec le Pouvoir judiciaire dès juillet 2020, groupe dont faisaient notamment partie l’Ordre des avocats, l’Association des juristes progressistes, différents organismes faitiers de la médiation, dont la Fédération Genevoise MédiationS, l’Antenne de médiation et de prévention d’Asural et ScopalE, le Département de la sécurité, de la population et de la santé, le médiateur administratif cantonal.
Ensuite du dépôt d’un projet de loi par le Conseil d’Etat devant le Grand Conseil (PL 12854 déposé en janvier 2021), le groupe de travail a préparé un projet plus ambitieux, plus consensuel et plus concret, qui a donné lieu à la préparation d’un projet d’amendement général en août 2022. C’est ce projet d’amendement général qui, après quelques modifications mineures, a été adopté par le Grand Conseil en janvier 2023 (lien) et constitue aujourd’hui la nouvelle loi genevoise sur la médiation.
Les travaux du groupe de travail continuent en 2023, avec l’objectif de mettre en place de manière consensuelle entre tous les partenaires le dispositif de promotion de la médiation institué par la nouvelle loi.
La loi prévoit la gratuité de la médiation (art. 19), les honoraires de la médiatrice ou du médiateur étant pris en charge par l’Etat, sans aucune condition relative à la situation financière des parties, ni évaluation des chances de succès d’une procédure.
La prise en charge par l’Etat suppose que la médiatrice ou le médiateur fasse partie des médiateurs assermentés, conformément à l’art. 19 al. 2 lit. b de la nouvelle loi. Ces médiateurs assermentés sont nombreux et le choix apparaît ainsi suffisamment large.
La durée de base de la prise en charge est de 7.5 heures de séances, cette prise en charge pouvant être renouvelée, après examen par le bureau de la médiation, jusqu’à un maximum de 30 heures (dans des cas exceptionnels).
Le tarif prévu est de CHF 200.- par heure.
Le dispositif vise en particulier des médiations civiles, qu’il s’agisse de droit de la famille, de droit des successions, de droit du travail, de droit du bail, de conflits de voisinage ou de conflits commerciaux.
La médiation peut être prise en charge tant dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours (à n’importe quel stade, en conciliation, en première instance ou en appel) que préalablement à toute procédure ou en dehors de toute procédure.
Si le conflit doit présenter un rattachement suffisant avec le canton de Genève (conformément à l’art. 19 al. 2 lit. c de la nouvelle loi, cette condition étant exprimée dans la loi sous la forme d’un principe général), il n’est pas nécessaire que les parties soient domiciliées à Genève.
Le dispositif pourra également couvrir la médiation en matière pénale. La médiation en matière de droit pénal des mineurs, qui fonctionne bien depuis quelques années à Genève, devrait essentiellement continuer sans changement matériel. La médiation en matière de droit pénal des majeurs pourrait éventuellement se développer (suivant les travaux en cours). Les magistrats devraient continuer à nommer directement les médiateurs, mais les conditions de prise en charge (tarif horaire et nombre d’heures) seront celles de la nouvelle loi.
S’agissant de la médiation en matière administrative, celle-ci relève en principe de la médiatrice ou du médiateur administratif cantonal (également gratuitement, conformément à la loi genevoise sur la médiation administrative du 17 avril 2015, RSGE B 1 40) ou d’autres dispositifs de médiation (organe de médiation de la police, espace de médiation des HUG). Il n’est toutefois pas exclu que le recours au nouveau dispositif dans des litiges dans ce domaine puisse ponctuellement intervenir à l’avenir.
La nouvelle loi n’impose aucune obligation de médiation, la médiation restant un processus libre et volontaire (ce qui est expressément confirmé à l’art. 19 al. 2 lit. a de la nouvelle loi). La médiation ne peut ainsi être effectivement engagée qu’entre les parties qui le souhaitent.
Le nouveau dispositif sera géré par un nouveau bureau de la médiation, composé d’une équipe de médiateurs expérimentés et bons connaisseurs des acteurs et dispositifs de règlement amiable des litiges, consacrant un temps partiel à cette mission. Ce bureau de la médiation devrait être en place d’ici début janvier 2024.
Le bureau de la médiation disposera de locaux au Palais de justice.
Le dispositif sera piloté par une commission de pilotage, incluant notamment deux avocates et avocats, qui seront élus prochainement par l’ensemble des avocats genevois. Cette commission de pilotage devrait être en place dès le mois de juillet.
La première tâche de la commission de pilotage sera de choisir les personnes composant le bureau de la médiation.
La commission de pilotage suivra de près la mise en place et le fonctionnement du nouveau dispositif et établira un rapport annuel. La commission de pilotage (comme l’Ordre des avocats) sera bien évidemment à l’écoute des commentaires des membres de l’Ordre relatifs au fonctionnement de ce nouveau dispositif.
Pour assurer un regard extérieur, un contrôle par la Cour des comptes est prévu après cinq ans (art. 24 de la loi). Ce rapport devrait être l’occasion de faire le point sur ce nouveau dispositif et de procéder aux ajustements nécessaires.
Les avocats peuvent parfaitement être parties prenantes au processus de médiation, tant en conseillant et soutenant leurs clients entre les séances de médiation qu’en les assistant si nécessaire lors des séances de médiation (voir l’article de Cinthia Lévy, L’avocat et la médiation – entrez dans la danse ! in Arbitrage, médiation et autres modes pour résoudre les conflits autrement, Ordre des avocats 2018, p. 121 ; lien). Le meilleur format est à discuter avec les clients.
Dans le cadre du dispositif, 2.5 heures peuvent être prises en charge, au tarif de l’assistance judiciaire, pour permettre aux avocats de conseiller leurs clients, le cas échéant de les accompagner dans le cadre de la mise en place de la médiation.
Cette prise en charge financière ne dépend pas de la situation financière des parties ou des quelconques chances de succès de démarches judiciaires (ou de la médiation).
L’Ordre des avocats encourage ses membres à ne pas hésiter à s’impliquer activement dans le processus de médiation.
L’art. 22 de la nouvelle loi prévoit la possibilité de prise en charge dans la médiation d’un conseil juridique, avocat ou non. Le principe de l’expert-juriste correspond au dispositif « Avocat dans la Médiation » instauré par l’Ordre des avocats en 2018, la prise en charge financière étant évidemment nouvelle. L’objectif consiste à fournir, en cas de besoin, à la médiatrice ou au médiateur et aux parties une même appréciation juridique par une experte ou un expert neutre (qui ne peut évidemment plus intervenir dans le dossier ultérieurement à un autre titre).
La décision de recourir à un conseil juridique ne peut être imposée par personne, mais est prise par la médiatrice ou le médiateur, avec l’accord des parties et moyennant le regard du bureau de la médiation. Elle devrait rester plutôt rare.
Le conseil juridique peut théoriquement être n’importe quel juriste disposant d’une expertise dans la matière pour laquelle la médiatrice ou le médiateur le solliciterait. Cela étant, l’Ordre des avocats envisage de préparer une liste d’avocats disponibles pour exercer le rôle de conseil juridique et les avocats intéressés sont invités à s’annoncer à la Commission ADR (cadr@odage.ch). Il est essentiel qu’au-delà de ses connaissances juridiques, le conseil juridique sollicité contribue au bon déroulement du processus de médiation, en adoptant une posture adaptée à ce rôle particulier.
Le chapitre 2 de la nouvelle loi, contenant les art. 4 à 15, traite des médiatrices et médiateurs assermentés. Il s’agit essentiellement de la reprise des art. 66 à 75 LOJ, les modifications étant de portée limitée.
Cette partie traite des conditions pour être inscrit au tableau des médiateurs assermentés, du fonctionnement de la commission de médiation (actuellement commission de préavis, comprenant notamment deux avocats médiateurs désignés par le Conseil d’Etat) et des obligations des médiateurs assermentés (en particulier les exigences d’indépendance, de neutralité et d’impartialité à l’art. 9 et de secret à l’art. 10).
Le nouveau règlement relatif aux médiatrices et médiateurs assermentés (RSGE E 6 25.03), qui fixe les conditions et les modalités d’exercice de la fonction de médiatrice ou de médiateur assermenté, a été adopté le 10 mai 2023 et est entré en vigueur le 1er juin 2023. Conformément aux propositions de l’Ordre des avocats, la spécialisation FSA médiation est reconnue comme une formation permettant l’inscription au tableau des médiatrices et médiateurs assermentés et la FSA est reconnue elle-même comme une association professionnelle en lien avec la médiation.
Ce chapitre concerne donc directement les médiateurs et ne concerne pas directement les avocats non médiateurs.
La médiation n’est bien évidemment pas le seul mode amiable de résolution des différends, d’autres modes amiables méritant d’être pris en considération, qu’il s’agisse par exemple de négociation, de Dispute Boards ou de droit collaboratif.
Même si les autres modes de résolution extrajudiciaire des litiges sont également mentionnés à l’art. 120 de la constitution genevoise, la nouvelle loi est centrée sur la médiation (comme le stipule expressément l’art. 1 al. 1) et ne traite pas du tout des autres modes amiables, sous réserve d’une disposition programmatique (« L’Etat favorise le développement d’une offre variée et cohérente en matière de règlement amiable des litiges », art. 2 al. 2 de la loi).
Il n’en reste pas moins que l’un des rôles du bureau de la médiation consistera précisément à orienter les personnes intéressées, le cas échéant en les redirigeant vers un autre mode de résolution amiable des litiges ou un dispositif plus pertinent par hypothèse mis en œuvre par l’Etat ou avec le soutien de celui-ci.
La pertinence d’encourager d’autres modes amiables pourra être examinée lorsque le nouveau dispositif aura été rôdé, peut-être sur la base du rapport que la Cour des comptes devrait établir en 2029.
La médiation devrait constituer un outil de plus dans la boîte à outils des avocats.
La possibilité du règlement amiable et, en particulier, d’une médiation, devrait systématiquement être intégrée dans la réflexion stratégique sur l’approche du litige.
La nouvelle loi introduit une nouvelle disposition dans la loi sur la profession d’avocat, à l’art. 1 al. 3, au 1er janvier 2024, avec la teneur suivante : « Il conseille son client sur le mode de résolution de conflits le plus approprié à sa situation. Dans la mesure où l’intérêt de son client le justifie, il envisage et encourage à tout moment des modes alternatifs de résolution de conflits. » L’Ordre des avocats a considéré que cette formulation ne devrait pas être problématique, même si la matière est évidemment régie par le droit fédéral, l’obligation des avocats d’envisager la médiation (et d’informer leurs clients) étant d’ores et déjà consacrée par l’art. 10 des Us et Coutumes et par l’art. 9 du Code suisse de déontologie.
Si la décision est prise d’explorer la piste de la médiation, le choix de la médiatrice ou du médiateur peut être discuté entre les parties, soit directement et librement, soit sur la base de recommandations données par le bureau de la médiation (en fonction des caractéristiques du litige).
Les avocats pourront consulter le tableau des médiatrices et médiateurs assermentés (le nouveau tableau devrait être disponible dans le courant du quatrième trimestre de 2023) et identifier la médiatrice ou le médiateur adéquat en fonction de sa formation (avocate ou avocat, économiste, psychologue, conseillère sociale ou conseiller social), étant précisé qu’une vingtaine d’avocats médiateurs FSA devraient figurer dans ce tableau, ainsi qu’en fonction de l’expérience et, le cas échéant, des langues pratiquées.
Une fois la médiatrice nommée ou le médiateur nommé d’entente entre les parties, c’est en général le médiateurcette dernière ou ce dernier qui fixe le cadre et donne le rythme. Cela étant, l’avocate ou l’avocat peut poursuivre sa mission de soutien et de conseil à la cliente ou au client, également dans le cadre de la médiation, tout en favorisant le processus.
L’Ordre des avocats prépare un guide de la médiation pour les avocats, sous forme de vademecum, qui devrait pouvoir être mis à disposition des membres de l’Ordre des avocats d’ici décembre 2023.
L’Ordre des avocats prévoit diverses formations pour les avocats souhaitant en savoir plus sur :
- l’orientation préalable ;
- la négociation ;
- la médiation en général ;
- l’application de cette nouvelle loi en particulier.
Une première conférence de présentation de la nouvelle loi a eu lieu le mardi 23 mai 2023. Elle a rencontré un franc succès.
Un séminaire consacré à la négociation et gestion amiable des dossiers aura lieu le mardi 3 octobre 2023, entre 8h00 et 12h30 (lien).
Un atelier de sensibilisation à la médiation aura lieu le mardi 14 novembre 2023, entre 17h00 et 19h30.
Les dates d’autres formations seront communiquées ultérieurement.
La loi entre en vigueur de manière complète au 1er janvier 2024, date à laquelle le bureau de la médiation devrait être opérationnel et le dispositif de prise en charge de la médiation pourrait commencer effectivement.
Certaines dispositions légales sont entrées en vigueur au 1er juin 2023, en particulier le chapitre consacré aux médiateurs assermentés (de manière à pouvoir mettre à jour le tableau des médiateurs assermentés d’ici la fin de l’année, le règlement du Conseil d’Etat relatif aux médiatrices et médiateurs assermentés (RSGE E 6 25.03) est entré en vigueur parallèlement le 1er juin 2023) et les dispositions nécessaires à l’entrée en fonction de la commission de pilotage.
Des dispositions d’exécution du dispositif d’encouragement à la médiation seront édictées par la Commission de gestion du Pouvoir judiciaire en prévision de l’entrée en vigueur de la loi en janvier 2024.